Honneurs germaniques !

Extrait d'un article paru le 25 août 2011 dans le FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG (Grand Quotidient National Allemand)

Dieu reconnaitra les siens –et n’aura aucune pitié de Klaus Simon

Le Minervois, à l’extrême sud-ouest de la France, est une contrée d’une beauté presque brutale. A l’époque y vivaient des hérétiques. Aujourd’hui ce sont avant tout les vignerons qui prêchent la foi de la pure qualité.

 « Vous êtes en Pays cathare » indique un panneau de route. L’air respire les senteurs lourdes de la garrigue : romarin, thym et sauge. Une bande de platanes surgit de la plaine. Au milieu des troncs énormes, l’eau du Canal du Midi stagne calmement. […]. Un dernier tournant, et la silhouette du village fortifié de Minerve se dessine sous une chaleur chatoyante. On est en fin d’après-midi, les visiteurs du jour se sont attablés au Café de la Place, les vieux du village occupent les bancs préchauffés par le soleil. Bienvenue au Languedoc profond. […]  

C’est de pierres et de souches qu’est fait le terroir de l’AOC Minervois, qui comprend 5100 hectares au total. Chaleurs épouvantables et vents permanents, le Cers avant tout, éprouvent les vignobles blanchâtres -et ne laisse aucune chance aux moisissures et autres ravageurs nocifs. Mais ce n’est pas uniquement une question de terroir si dans ce terroir les cépages typiques du Languedoc, Syrah, Mourvèdre et Grenache, donnent des vins d’un surprenant alliage de souplesse et d’épices, qui se démarquent tellement de leurs appellations voisines, comme les Corbières, plus rustiques, plus âcres. Toute une génération de vignerons amoureux de la qualité, dont un nombre étonnant a un parcours personnel atypique, a ouvert aux vins du Minervois les chemins vers la haute gastronomie, l’étape toujours décisive en France.

Une allée d’oliviers plusieurs fois centenaire monte au Domaine du Pech d’André à Azillanet. En occitan, pech veut dire colline, et sur cette colline se trouve une magnifique propriété de la fin du 18éme siècle. Des lauriers roses gigantesques se jettent contre le double-escalier qui donne accès à la maison de maître. Une poule traverse le parking d’où, par temps clair, on voit la chaîne des Pyrénées. « Je suis une femme, alors je fais des vins au féminin », Mireille Remaury explique ainsi sa philosophie de vigneronne. Sa famille possède le domaine depuis 1702. Confiante, la jeune femme biologiste reconvertie, ne cède pas à l’omniprésent mode de l’élevage en barrique : « le bois cache le terroir ». Grace à leur note fine et aérienne, les vins du domaine ont trouvés aujourd’hui une clientèle fidèle, même si le Pech d’André est pourtant passé par des temps économiquement difficiles. Pendant les années maigres, la location de deux gîtes de vacances dans une aile de la maison a complété le revenu, ce qui est d’ailleurs encore bienvenu de nos jours.

Le vent emporte les ravageurs

Le coup décisif, celui qui a ouvert au domaine la bonne voie commerciale, la mère de Mireille l’a réussi en 1976. L’été caniculaire avait fait chuter les rendements de manière si dramatique, que Madame Remaury a fixé un panneau le long de la route qui mène de Minerve à Olonzac : Vente directe y était écrit, et depuis, il ne se passe pas un jour, sans qu’un automobiliste fasse marcher son clignotant pour s’engager dans la montée au domaine. Quand le mardi sa fille déplie son stand de vin sur le marché d’Olonzac, la patronne séniore, très alerte, coiffée à la Simone de Beauvoir, reçoit les visiteurs au caveau. A côté des vins, on y propose aussi de l’huile d’olive, des noix, de la confiture de figues, des légumes et des œufs de la ferme. « Comme pour le vin, nous n’avons jamais employé un seul gramme d’herbicide ou d’engrais dans notre jardin » déclare l’ainée fièrement. « Le Cers emporte les ravageurs tout seul » dit-elle et ouvre la prochaine bouteille à déguster." Traduction : Axel de Haas

 

A gauche, Germaine, à droite Simone !